Chanson "Trois petits moutons"
issue de l'album "Hop là !"
Les chansons ont des voies mystérieuses pour surgir sans crier gare, et souvent celles qui jaillissent sans prévenir sont les meilleures. Trois petits moutons en font partie, sans doute, puisque c'est un succès totalement inattendu.
J'ai passé parfois des années à suivre la piste d'une musique afin de trouver les mots qu'elle devait porter. La plus longue attente (ou recherche, comme on veut) a été celle de L'oiseau Blues, qui a mis une bonne douzaine d'années à fleurir pour de bon, et qu'on peut entendre sur l'album Guillou pour les intimes, un album guitare voix paru en l'an 2000. Mais sur le même album, il y a Marine : rien à voir avec la politique, tout à voir avec la peinture de paysage. Je me suis réveillé un matin : elle était là, paroles et musique, décalquées d'un rêve que je venais de quitter. Sur cet album aussi : Arrêter les nuages qui est née de la même façon, et a été enregistrée en une seule première prise. Miracles ! Petits miracles qui sont la récompense inattendue pour le mineur de fond qui peine au quotidien à la recherche d'une paillette d'or.
Et alors, Trois petits moutons ? Voici l'histoire : Georges Dussaud est un ami de longue date. Photographe passionné, il a arpenté la planète avec son Leica en compagnie de sa femme Christine pour saisir des instants miraculeux et fugitifs, et les livrer pour l'éternité à nos regards qui n'y voyaient que du banal. C'est ainsi qu'il nous a montré l'Irlande, le Portugal, l'Inde, le Mexique, des anges, des chiens, des enfants... tous magnifiés par un noir et blanc subtil.
Ils ont été les premiers au début des années 80 à faire des images de la région de Tras Os Montes au Portugal. Un coin de montagne pauvre, rude, désolé, où les paysans vivaient presque comme au XIXème siècle. Ces photos ont été redécouvertes dans les années 2000, et Georges Dussaud a été célébré comme un héros national pour avoir vraiment vu ce petit monde perdu dont tout le pays avait ignoré la grandeur et la rudesse. Et aujourd'hui existe à Bragança, dans le nord du pays un musée qui porte son nom.
Il m'arrive souvent de grattouiller ma guitare, parfois avec un objectif précis, mais souvent au contraire pour accompagner un rêverie, une méditation un peu floue. Je me laisse aller aux notes qui coulent sous mes doigts, et il arrive que ce ruissellement sans objet donne naissance à une idée, parfois même à une chanson. Cette chanson est donc née ainsi, sans que je l'ai recherchée. Peut-être avais-je l'image sous les yeux, une affiche posée sur le mur de mon bureau ? En tout cas, elle est apparue en une minute, le temps de la chanter, hop ! Elle était là ! Comment faire la fine bouche devant un pareil cadeau ? Je l'ai enregistrée en une seule première prise, comme Arrêter les nuages dont je vous parlais plus haut. Petite chansonnette destinée à bercer les jeunes enfants, et qui peu à peu est devenue un classique des chansons à compter. Elle existe depuis 1998 dans l'album Hop là.
Mais une bonne surprise se préparait au fil des années, comme une fleur attend pour fleurir la bonne saison : il y a deux ans, sans que je comprenne vraiment pourquoi, cette chanson en ligne (streaming) a totalisé des dizaines, puis ces centaines de milliers, puis... des millions d'écoutes à travers le monde francophone. Les mystères de la toile ! Merci aux petites oreilles ! Bêêêêêê !